Invitation à participer au séminaire sur le thème : La justice transitionnelle au Maghreb -Étude comparée

La Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales – Tanger

Et Laboratoire des droits de l’homme

En partenariat avec

Le Centre Marocain De la Justice Transitionnelle et de l’Étude des Rapports Internationaux

Organisent

Un Colloque national sous le thème :

La justice transitionnelle au Maghreb –Étude comparée

17 juin 2023 Faculté de Tanger

Argumentaire du colloque

La persistance des conflits, des guerres civiles, des révolutions, des contre-révolutions et de l’autoritarisme libéralisé contribue à l’instabilité des régimes politiques qui heurtent la société et attisent les mouvements révolutionnaires, se traduisant par de graves violations des droits de l’homme (arrestations arbitraires, torture, traitements inhumains, procès illégaux …).

La société fléchira sous le joug du « bâillonnement », de la peur et de la culture de jugulation de l’élite.

Ces violations et abus sont devenus l’objet de préoccupations nationales et internationales en raison des appels émis par les communautés locales qui aspirent à la liberté et à la consécration des droits de l’homme, à l’égalité et à la justice afin de construire un État de droit. Ne dérogent pas à ce cas de figure les pays maghrébins aux systèmes politiques autoritaires déficitaires en  volonté politique de mise en œuvre effective de mécanismes de la justice transitionnelle en tant que modèle éclaireur adopté par environ 40 expériences mondiales pour surmonter concomitamment les vestiges du passé et du présent s’acheminant vers la stabilité.

Les pays d’Amérique latine et d’Europe de l’Est ont adopté l’approche de la justice transitionnelle comme passerelle d’un passé douloureux à un État de droit prisant la gouvernance institutionnelle. Ils figuraient parmi les régions les plus touchées par l’autoritarisme suite à des coups d’État militaires successifs qui s’interposaient à l’établissement d’un régime civil par l’implantation des principes de paix entre les parties prenantes et la quête d’alternatives pour la transition démocratique et la réconciliation sociétale.

En outre, l’environnement maghrébin a été marqué par de nombreux troubles sociaux depuis les deux premières décennies de ce siècle attendu que les réclamations sociétales ont été réduites au silence et laminées par la force entraînant des violations et des abus (harcèlement des opposants du régime, arrestations, procès simulés, mise en place d’états d’urgence, réformettes cosmétiques en écho aux desideratas et spécificité du gouvernant pour immuniser la pérennité de son régime autoritaire). Cette dynamique a été maximisée par la lutte pour le pouvoir, des scissions au sein des partis politiques, la fragmentation de la société et l’émergence des mouvements contestant les politiques de marginalisation et de paupérisation, dans la perspective de la refonte  des régimes politiques et de renforcement du modèle de transition vers la démocratie.

Toutefois, la persistance de la politique de tutelle sur  la société, le contrôle des activités des organisations de défense des droits de l’homme, la prévention de la liberté d’expression et de la presse, le musellement des opposants des politiques gouvernementales, la reconduction de la tyrannie et de la corruption, la montée de la bureaucratie administrative et la patrimonialisation des institutions étatiques ont conduit à des émeutes sociales labellisées “Printemps arabe”, ayant chambardé les régimes en Tunisie , en Égypte et en Lybie tout en imposant la mise en place des élections présidentielles anticipées en Algérie .

Le Maroc a connu une vague contestataire dont les revendications cardinales s’articulaient autour d’une révision constitutionnelle et des réformes juridiques consolidant l’ouverture politique initiée depuis les années 1990, en prêchant la réconciliation nationale et l’alignement sur les standards internationaux en droits de l’homme.

Le Maroc a initié des réformes constitutionnelles, juridiques et institutionnelles en attachant une grande importance aux droits de l’homme édictant une législation palpitant au rythme de la mouvance internationale, en libérant les détenus politiques et en amorçant la réconciliation politique par le biais de la nomination de l’ancienne icône de l’opposition Abderrahman Youssoufi à la tête du gouvernement de l’alternance le 14 mars 1998.

La création de la Commission d’arbitrage indépendante pour indemniser les victimes de détention arbitraire et de disparition forcée a conduit, après mûre réflexion, à la création de l’Instance Équité et Réconciliation pour remédier à l’héritage des violations perpétrées, selon l’approche de la justice transitionnelle comme première expérience dans le monde arabe et islamique, qui, au terme des enquêtes, a émis des recommandations prescrivant des réformes juridiques et institutionnelles , lesquelles recommandations ont été consacrées dans le Titre II de la Constitution de 2011.

Cependant, le contexte maghrébin n’a pas acté avec effectivité les réformes après l’effondrement du mur de Berlin, occasionnant, par conséquent, des “révolutions arabes”, ayant généré l’effondrement des systèmes politiques et la fuite de “Zine El Abidine Ben Ali” de la Tunisie, d’où le vaste débat sur les modalités de la refonte de la Tunisie post-printemps arabe.

A ce juste titre, un consensus fut établi autour de l’adoption des mécanismes de la justice transitionnelle comme moyen de réconciliation, de responsabilisation et d’indemnisation des victimes et de renforcement du corpus juridique consacrant l’effectivité des droits de l’homme et de la pratique politique.

Les régimes politiques de l’Égypte et de la Lybie ont été contestés par une forte révolution plaidant en faveur de la mise en œuvre de la justice transitionnelle dans la perspective de l’ancrage de la responsabilité redditionnelle , la révélation de la vérité sur les exactions commises et l’édiction de législations protectrices des choix démocratiques .Or, cette justice était déficiente en termes d’effectivité  reproduisant partant les mêmes systèmes politiques , arborant les mêmes structures  traditionnalistes à l’instar des deux expériences marocaine et tunisienne.

La mise en œuvre des mécanismes de la justice transitionnelle au Maghreb demeure fragile en dépit du succès relatif de certaines expériences.  Son effectivité  constitue l’une des approches démocratiques , comme c’est le cas en Amérique latine , en Afrique du Sud et dans d’autres expériences qui ont réussi à se départir des scories  de l’autoritarisme , de la discrimination raciale, des guerres civiles et des conflits à long terme réussissant le passage à un État érigeant les principes de la justice transitionnelle, édifiant son projet de transition  et liquidant l’héritage du passé de manière consensuelle entre les différents groupes politiques et les voix des droits de l’homme en  instaurant les mécanismes transitologiques et l’État de droit en suggérant de nouvelles dynamiques politiques pour la démocratisation et la réduction de l’autoritarisme.

En conséquence, vu leur spécificité et les mécanismes adoptés pour traiter le dossier des violations flagrantes des droits de l’homme, les expériences marocaine et tunisienne interpellent l’intérêt international. Nonobstant les lacunes politiques, juridiques, elles prédisposent à la stabilité sociale, à la construction juridique et institutionnelle et à l’établissement des valeurs de la culture des droits de l’homme dans leur universalité.

Ces entrées requièrent la volonté des acteurs politiques et des diverses composantes de la société par le biais de consultations nationales et de larges discussions sur le projet de transition pour élaborer un consensus et garantir les droits des personnes touchées par les graves violations par la restauration des droits, par la révélation de la vérité, par la préservation de la mémoire collective, par la mise en œuvre effective des garanties de la non -répétition des violations et de la violence à l’avenir et par l’affermissement du principe de la non – impunité.

Toutefois, le problème soulevé au Maghreb après le “Printemps arabe” est l’absence ou la quasi-absence des choix rationnels des dirigeants de la révolution arabe qui sont restés otages des slogans du changement pour l’amour du changement et du refus d’activer la démocratie consultative en raison de l’absence d’un projet sociétal commun ou de l’absence de confiance.  Cela a permis aux symboles des régimes de domination déchus de se restructurer en inoculant des doses maitrisées de réformes cadrant en osmose avec les doléances sociales  à travers l’amarrage d’un système juridique et institutionnel ne correspondant pas en profondeur à la structure juridique internationale et en adoptant une politique étriquée de polarisation, de stimulation et de redistribution des revenus.

Appréhendée sous cet angle minimaliste et réductionniste, le projet de justice transitionnelle, à défaut d’être échafaudé par l’ensemble des intervenants politiques et des juristes, en harmonie avec les expectatives internationales, demeure vulnérable et susceptible de virer en un néo-autoritarisme.

Face à la faiblesse de la société civile mise sous contrôle et à la maîtrise du pouvoir décisionnel par une oligarchie, le mouvement social a élargi les marges du libéralisme politique mais menant à la préservation des germes de l’autoritarisme qui renaît de ses cendres sous de nouveaux aspects.

Dans ce sillage, ce colloque discutera les problématiques connexes suivantes:

  • Comment traiter le dossier des violations et des conditions minimales convenues pour assurer simultanément les droits des victimes et la stabilité institutionnelle de l’État ?
  • Comment réaliser la transition politique et le démantèlement du système d’autoritarisme antérieur ?
  • Les élites politiques du Maghreb peuvent-elles construire un projet alternatif de justice transitionnelle ?
  • Pourquoi certaines expériences de justice transitionnelle ont-elles réussi et d’autres ont échoué au Maghreb ?
  • Comment mener les mécanismes de justice transitionnelle au Maghreb sans menacer la transition ?
  • Est-il possible de construire des mécanismes de justice transitionnelle au Maghreb sur des bases internationales ?
  • Les mécanismes de justice transitionnelle représenetent-ils encore l’application la plus efficace de la sortie de l’autoritarisme ?

Objectifs du colloque :

L’objectif de ce colloque est de construire, dans le contexte maghrébin, une plate-forme référentielle en matière de la justice transitionnelle en pointant les objectifs suivants :

  • La lecture du contexte des graves violations des droits de l’homme au Maghreb ;
  • L’appropriation des fondements juridiques et organisationnels des modèles de justice transitionnelle au Maghreb ;
  • L’approfondissement de la recherche sur les expériences de la justice transitionnelle au Maghreb ;
  • Le survol des défis de la justice transitionnelle au Maghreb ;
  • L’élaboration d’un modèle de justice transitionnelle transposable au Maghreb.

Axes du colloque :

1er Axe : l’approche théorique de la justice transitionnelle

  • Les mécanismes de la justice transitionnelle.
  • Le cadre juridique de la justice transitionnelle.
  • Justice transitionnelle et développement.
  • Justice transitionnelle et principe de non- impunité

2e axe : le contexte des graves violations des droits de l’homme au Maghreb

  • La nature des violations flagrantes des droits de l’homme au Maghreb.
  • Coups d’État et mouvements sociaux au Maghreb.
  • Procès judiciaires au Maghreb.
  • Littérature de la détention politique et des prisons au Maghreb.

3e axe : les expériences de justice transitionnelle au    Maghreb

4e axe :     les défis de la justice transitionnelle au Maghreb

  • Les défis politiques des expériences de la justice transitionnelle au Maghreb.
  • Les contraintes financières dans l’administration des mécanismes de la justice transitionnelle au Maghreb.
  • La période post-achèvement des travaux des instances de vérité dans le contexte maghrébin.
  • La réconciliation et la mémoire sociale au Maghreb.

Les résumés de participation au symposium doivent être envoyés en 500 mots maximum et inclure le nom complet et la capacité académique via l’e-mail suivant : cmjteri@gmail.com

Rendez-vous importants:

Date limite d’acceptation des résumés : 20 mai 2023
Réponse aux résumés acceptés : 25 mai 2023
Soumission de la recherche acceptée dans son intégralité : 31 mai 2023
Date d’organisation du colloque : 17 juin 2023